Non, le marteau et l'enclume ne remplaceront pas le blender dans la cuisine (ni dans le cœur) de Mme D... . Un successeur au presque trentenaire blender à noisettes s'est présenté, j'ai nommé le hâchoir à ficelle.
      Cet ingénieux appareil ménager a pour principale qualité d'avoir à l'usage une empreinte carbone nulle.

Rusticité, la nouvelle modernité

      Un bol, des lames d'acier, un couvercle contenant une démultiplication, une ficelle pour actionner le mécanisme de rotation, un ressort, une poignée : la conception de l'instrument est simple. Si Léonard de Vinci avait connu la recette du Creusois (voir page 10), il l'aurait inventé ! (avec un bol en bronze et des engrenages pesant dix-huit livres).

      Toute l'ingéniosité de cet appareil est dans l'énergie utilisée pour son activation : la force du poignet, aussi appelée "huile de coude". La main tient

fermement la poignée, le bras exerce une traction sur la ficelle, la ficelle fait tourner le mécanisme, la démultiplication accélère la rotation produite, les lames ainsi mues déchiquettent leur proie dans le bol. Et le ressort rappelle la ficelle, et le
bras tire à nouveau, et ainsi de suite.

      Ni électricité, ni carburant, ni bêtes de somme, c'est un fonctionnement éthique. Et toc !

Manger, bouger

      Cet astucieux gadget présente en outre un effet positif induit appréciable : les éventuels abus gourmands sont en partie compensés par la dépense calorique du tirage de ficelle. Il a été calculé par l'Institut Jules Védrines de Guéret que le concassage menu-menu de trois poignées (taille de main standard) de noisettes brûle les

calories contenues dans une part de Creusois.

Changer de paradigme pour éviter l'enfer

      Le calcul de rentabilité d'un appareil ménager ne doit plus se faire aujourd'hui en comparant la dépense financière (de l'achat) et les services rendus (facilitation du broyage, satisfactions gourmandes).
      Il faut prendre en compte l'impact de la fabrication (matières premières fossiles non-renouvelables, énergie nécessaire à leur transformation en plastique, à la production de l'acier des lames, au façonnage des pièces, à la propulsion de la grosse voiture du PDG, au transport depuis l'usine suisse jusqu'à Tours), et en regard compter les kilowatts non-utilisés par cet engin non-électrique.

À trop tirer sur la corde...

      Après de savants calculs, il est probable que ce hâchoir à ficelle sera considéré comme rentabilisé après environ plein d'utilisations, à la condition que Mme D. ait un régime alimentaire riche en Creusois, tapenades, hâchis, carottes rapées, houmous, juliennes, purées, pâtés, mousses, compotes, concassées de trucs, chapelure, caviars de légumes, guacamole, écrasées de racines, et autres machins pilés. Il ne faudra pas omettre de déduire les compresses froides pour les douleurs articulaires causées par les multiples tractions sur la ficelle, partiellement compensées par la moindre usure du dentier.

Mr B.